A quelle point la saison, digne d’un Grand Chelem, fut-elle satisfaisante ?
« Cela n’a jamais été réalisé auparavant, on ne peut être qu’extrêmement satisfait. Nous avions fixé des objectifs en début de saison. Être compétitif dans chacune des compétitions dans lesquelles nous étions engagés, et les remporter presque toutes… Je pense que c’est exceptionnel, absolument exceptionnel. Je suis si fier de ce qui a été réalisé, c’est vraiment énorme, il faut saluer chaque membre de cette organisation. »
Est-il possible de comparer les deux dernières saisons, et laquelle avez-vous préféré ?
« La saison des 100 points (2017-18) fut exceptionnelle, historique, les records que nous avons établi cette saison-là… Mais en regardant cette saison (2018-19), nous avons obtenu 98 points, beaucoup plus difficile dans tous les domaines : nous jouions à nouveau dans toutes les compétitions, et nous avons réussi à remporter 3 trophées, +1 (Community Shield). Accomplir cela malgré un concurrent au coude-à-coude avec nous jusqu’à la dernière minute… Cette saison fut incroyablement difficile, incroyablement concurrentielle, c’est donc différent de l’année dernière, où nous avons terminé la saison assez tranquillement en Premier League… Cette année est différente, aucun relâchement n’était permis : à partir du 1er Janvier tous les matchs étaient des finales, donc les niveaux de stress et de pression que nous devions gérer pendant quelques mois furent assez incroyables. »
Avez-vous ressenti personnellement cette tension, même dans les tribunes ?
« Je l’ai ressenti, mais je pense que je l’ai bien géré, avec les années on apprend à la gérer. Cette année particulièrement, nous étions dans un bon état d’esprit en Carabao Cup et en FA Cup, je savais que cela ne serait pas la même pression. En Ligue des Champions, c’était compétitif mais supportable, et en Premier League c’était différent. Si on m’avait dit qu’il fallait 14 victoires consécutives pour remporter le titre, la pression aurait été différente, je savais que cela serait serré, mais je ne m’attendais pas à cela honnêtement. »
Comment travailliez-vous avec Pep [Guardiola] à ce moment-là ?
« Je travaille beaucoup avec lui, avec l’équipe. Il était pendant toute cette période très concentré, extrêmement concentré, presque une machine ! Il a déjà réussi en Premier League, en Liga et en Bundesliga, la majorité de nos joueurs aussi. Certains d’eux étaient déjà là en 2012, nous sommes riches en expérience, cela nous a beaucoup aidé cette saison. »
A quel point l’élimination en Ligue des Champions fut-elle décevante ? Surtout au niveau de la manière.
« Les compétitions à élimination directe sont différentes : les championnats sont des marathons, et dans les marathons ce sont souvent les meilleurs qui gagnent. Obtenir 198 points en 2 saisons, c’est de la régularité et c’est la manière de remporter les championnats. Les compétitions à élimination directe sont différentes, il faut être excellent à chaque match, avoir de la chance, prendre les bonnes décisions, que l’arbitre fasse les bons choix, que les pénalties rentrent (cf le pénalty de Sergio Agüero en quart de finale aller à New White Hart Lane)… Nous avons tout donné, mais nous ne nous sommes pas qualifiés, cela arrive en compétition à élimination directe. En Ligue des Champions, nous allons continuer de tenter notre chance et finirons par la remporter. »
Les priorités ne vont donc pas changer ?
« J’ai eu une discussion avec Yaya Touré, lors de sa première saison parmi nous (2011-12), et il me racontait son état d’esprit qu’il tenait du Grand Barcelone duquel il arrivait. Son arrivée correspond aux débuts de nos succès, avec la FA Cup en 2011, la Premier League l’année suivante… Il m’a dit qu’à Barcelone l’état d’esprit était qu’il fallait remporter chaque match, même en amical, pour toute l’équipe, ils étaient programmés pour ça. A ce moment-là nous ne disposions pas de cette mentalité, aujourd’hui nous traitons chaque match comme un must-win, et voulons remporter toutes les compétitions auxquelles nous participons. »
Pour faire cela, vous devez améliorer l’équipe chaque saison, où en sont les plans pour la saison prochaine en termes de transferts ?
« Avancés, très avancés. Nous avons un système désormais, ce club est mature, l’organisation est mature : nous planifions tôt, nous agissons rapidement et plutôt bien selon moi, il n’y a aucune surprise, nous abordons chaque pré-saison de la même manière. Nous connaissons nos besoins tôt, nous recherchons tôt, nous nous concertons tôt. Avant la fin de saison nous connaissons déjà nos besoins, la planification a déjà été établi et les approches effectuées. »
C’est une des raisons pour lesquelles nous sommes admirés, en plus des derniers résultats sportifs, City est vu comme un club organisé, réglé comme une horloge et il n’y a jamais « d’accident ».
« Il n’y a pas d’accident. Il n’y a pas de secret, il y a une corrélation entre l’organisation, la planification, les investissements et les résultats. En regardant les 2 dernières années, nous avons obtenu 6 trophées. C’est un résultat qui ne dépend pas des deux dernières années, mais des 4-5 dernières. Je reviens à cette mentalité dont je vous parlais, cette organisation n’est pas prévue pour s’asseoir et être attentiste : il y a toujours la projection vers le futur, la recherche de la victoire et de l’amélioration pour y parvenir. En regardant la liste de tous les joueurs sur lesquels nous avons investi, ils sont arrivés en tant que jeunes joueurs, talentueux, avec une valeur relativement importante. Aujourd’hui, au regard des derniers mois, on peut se rendre compte que nous avons investi très intelligemment, que leur valeur a augmenté, parfois même de manière exponentielle. Je pense que nous avons bien investi et que nous allons continuer ainsi, car c’est toujours le même système, les mêmes personnes et la même organisation. »
En parlant du profil des recrues, les superstars de 28-29-30 ans ne seront donc plus d’actualité ?
« Il y aura une régularité sur notre politique de recrutement, qui est d’acheter des joueurs jeunes à fort potentiel. Comme vous avez pu le voir, nous avons renouvelé les contrats de la plupart de ces joueurs. En regardant Gabriel Jesus, [Leroy] Sané, Ederson, [Raheem] Sterling, Bernardo Silva, [Aymeric] Laporte… Ces joueurs nous les avons fait signé des contrats longue durée, nous avons bien géré les négociations et le timing des prolongations. Certains ont prolongé l’année suivant leur arrivée, parce qu’il le méritait. Je pense que c’est important de les récompenser de manière juste parce rapport à leur mérite et leur valeur marchande. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne signerons pas un joueur de 26 ans ou plus, si cela correspond à un besoin. L’année dernière, nous avons recruté Riyad Mahrez. Il appartient à cette catégorie. Nous avions besoin d’un joueur talentueux et expérimenté à son poste. Mais la stratégie générale est plus orientée vers l’investissement sur de jeunes joueurs. »
Pouvez-vous nous décrire ce que Vincent Kompany représente pour le club depuis son arrivée il y a 11 ans ?
« J’ai une relation particulière avec Vincent, il est probablement le premier joueur avec lequel j’ai dialogué en tant que président de ce club. Il était jeune, il est devenu un Grand de ce club. Je n’utilise pas souvent le mot « légende », mais il en est véritablement une, au vu de ce qu’il a accompli pour nous en tant que joueur et capitaine, sur et en dehors du terrain. Il est « Monsieur Manchester City« . C’est une grande perte, sans aucun doute, il est irremplaçable. Mais le temps était venu, il devait prendre une décision. Il est venu me voir après le match face à Leicester, je crois que c’est le moment où il avait fait son choix, il voulait finir sa carrière au sommet. Nous savions que nous avions des chances de remporter le Triplé, il voulait partir au meilleur de sa forme, et il se voyait devenir coach. Cette opportunité de revenir dans son club formateur en tant qu’entraîneur-joueur était unique, je crois que les étoiles s’étaient alignées, et je crois qu’il a pris la bonne décision. Je lui avais dit : « peu importe ce que tu décides, je te soutiens à 100% ». Il nous manquera, sans aucun doute, nous lui rendrons hommage à sa juste valeur, cela sera magnifique. Ce club respectera Vincent autant qu’il le mérite, je suis confiant sur le fait que ce n’est qu’un au-revoir. Il est et sera toujours un membre de notre famille, son aventure continue, mais j’ai le sentiment que nous le reverrons ici dans le futur. »
Malgré tout, nous restons au centre d’une sphère de commentaires négatives à notre encontre, hier [Javier] Tebas (président de la ligue espagnole) disait que l’argent du pétrole déterminait le prix des joueurs et dérégulait le marché. Qu’en pensez-vous ?
« Laissez-moi vous répondre en 2 parties. Dans le football, je pense que les gens connaissent Tebas, mais je pense qu’il se considère comme un politicien, il ne faut pas le prendre trop au sérieux. Je pense qu’il altère les faits, il est hypocrite dans ses déclarations, ce qui est assez ironique. D’abord regardons la ligue espagnole, c’est eux qui ont commencé l’ère des records de transferts, notamment au Réal [Madrid] : [Luis] Figo, [Zinédine] Zidane… C’était des records à l’époque. En regardant l’histoire de cette ligue, elle est dominée par deux clubs. Mr Tebas devrait se replonger dans l’histoire de sa ligue pour voir que les évolutions du marché des transferts. Dans les 10 plus gros transferts de tous les temps, Manchester City n’y figure pas. Je ne prends donc pas ça au sérieux, et je demande à nos fans de recontextualiser les faits. Je pense que les gens habitant une maison de verre ne devraient pas lancer de pierres. Restons toujours dans les faits, évitons les théories. »
A propos de l’argent du pétrole, cela a une autre connotation.
« Je crois qu’il y a une erreur dans le fait d’inclure l’ethnicité dans cette conversation, c’est juste moche. Je pense que sa manière de faire des amalgames entre les équipes juste par leur ethnicité, c’est très perturbant honnêtement. Je n’accepterai pas que notre club soit un leurre pour des mauvais investissements d’autres clubs. Les gens prennent des décisions, ils doivent vivre avec. Nous nous sommes bien gérés et nous serons jugés sur les faits, et seulement les faits. Nous sommes un club bien géré, et c’est un fait, au niveau des salaires, en comparaison à d’autres grands clubs, notamment en Espagne. Nous avons dépassé les 500 Millions de £ de Chiffre d’Affaires. En comparaison de nos investissements des 2 dernières années, ce chiffre est incroyable. Nous sur-performons au niveau de nos joueurs, de nos prestations sur le terrain et des résultats. Il n’y a pas de quoi avoir honte, bien au contraire. Il y a 10 ans, le Sheick Mansour a pris un engagement auprès de ce club et de cette ville. Il a tenu sa promesse, il suffit de se balader dans Manchester et de demander aux habitants. Même certains fans de Manchester United apprécient de nos actes pour Manchester. Nous avons constamment réinvesti de l’argent pour cet engagement et développer notre structure. Est-ce mauvais pour le football ? »
Mr Tebas accorde toujours une place particulière à Manchester City dans ses déclarations.
« Je ne pense pas que ça ne soit qu’une attaque contre Manchester City, je pense qu’il y a un vraie attaque contre la Premier League et c’est régulier de sa part. N’oublions pas qu’il s’agit du meilleur championnat du monde; et en regardant cette saison, il n’y a pas de meilleure illustration, puisque les 2 finales Européennes sont anglaises. Cela embête beaucoup de gens, mais il faut protéger ce statut, nous avons le championnat le plus attrayant au monde, avec les plus grands clubs du monde (économiquement)… C’est un championnat particulier. Pour en revenir à Mr Tebas, ses attaques ne concernent pas que Manchester City mais tout le championnat, et j’espère que les gens s’en rendront compte. Je sais que tout le monde ne veut pas défendre Manchester City, mais je vous en prie défendez ce championnat. »
De plus, il y a des enquêtes en cours sur le club, êtes-vous inquiet ? A quel point êtes-vous déçu que certaines équipes de Premier League aient soutenu ces enquêtes ?
« Je ne suis pas inquiet, je respecte les organismes de régulation, ils font leur travail. Il faut leur répondre professionnellement, ce que nous avons fait. Nous traitons avec plusieurs organisations, nous répondons clairement, et plutôt sereinement je crois. Seuls les faits seront jugés, et si tel est le cas nous gagnerons, indiscutablement. Si ce n’est pas le cas cela change tout. Mais je suis convaincus qu’ils prendront des décisions en fonction des faits. Je vois ça de manière philosophique : ce n’est pas la première fois que nous avons à faire à l’UEFA, nous allons traverser les étapes nécessaires, avec sérénité. Je ne suis pas inquiet car seuls les faits seront jugés. Mais dans tous les sports, la réussite attire les jalousies, cela fait partie du jeu. Quand Manchester United dominait le championnat, pendant plusieurs années ils y ont été confrontés, cela fait partie du jeu. Le monde du football est petit, nous savons ce que chacun dit ou fait. En réalité, nous n’avons pas acheté les joueurs les plus chers : ni le gardien le plus cher, ni le défenseur le plus cher, ni le milieu le plus cher et l’attaquant le plus cher non plus. Donc quand les gens nous balancent des théories et des approximations, je leur dis de regarder les faits. »