« Cher City,
Quand je suis arrivé, j’étais un jeune homme, sans enfant et avec beaucoup de rêves. C’est dur à réaliser, mais je pars 7 ans plus tard, en tant que père ayant réalisé tous ses rêves.
Aujourd’hui j’ai un sentiment doux-amer. Les au-revoirs ne sont jamais faciles, mais c’est encore plus difficile avec cette équipe. Quand j’ai dû leur annoncer mon départ, j’étais très ému. Ils me manqueront tous. Mais je suis heureux de pouvoir dire que je pars en tant que champion, et je n’ai que de l’amour pour ce Club. Combien de footballeurs peuvent partir en tant que capitaine d’une équipe ayant réalisé un triplé ?
Ce que nous avons accompli est incroyable. 5 Premier League en 7 ans ici, 2 FA Cup, la Ligue des Champions, le triplé… mais ce ne sont que des trophées. Ce dont je me souviendrai le plus, ce sont les émotions dans cette équipe, particulièrement cette saison. Je n’ai jamais vécu quelque chose de tel dans le Football.
Je suis d’habitude une personne très réservée. Cela me prend du temps de m’ouvrir. Mais ce qui est génial avec cette équipe, c’est que nous nous sommes tous rapidement sentis à l’aise pour plaisanter les uns les autres, peu importe la pression. Nous jouions des 5 contre 2 à l’entraînement, et ce que je préférais c’était plaisanter avec Ruben Dias. Je pense que c’est parce que je suis un joueur « simple » que les gars trouvaient drôle de me surnommer « Zidane » dès que je faisais preuve d’un peu de technique.
Quand je faisais une bonne session d’entraînement, Ruben continuait de m’appeler Zidane.
Je répondais : Non non, aujourd’hui j’étais Pirlo. Demain, je serai à nouveau Zizou. »
Tous les jours, nous riions, et c’est rare dans le Football. Il faut vraiment donner du crédit à nos femmes et partenaires pour nous avoir rapproché cette saison.. Elles ont organisées des barbecues par exemple, et cela a fait une grosse différence. C’est l’équipe la plus soudée que j’ai connu, et je pense que c’est en partie grâce à cela que nous avons pu soulever la Ligue des Champions.
Pour moi, c’était un peu une obsession ces 10 dernières années. Et pas qu’un peu en réalité, c’était une véritable obsession. Quand nous avons perdu la finale avec Dortmund en 2013 face au Bayern, j’étais anéanti. Il n’y a pas de sentiment semblable que celui de perdre une finale. Cela m’a vraiment hanté pendant 10 ans. Chaque décision de ma carrière depuis était influée par ma volonté de soulever ce trophée. C’est pourquoi je suis venu à City. Quand nous avons perdu la finale face à Chelsea il y a 2 ans, c’était terrible. Puis la saison dernière, j’étais sur le banc pour les demi-finales, ce qui a peut-être été encore plus dur. Après l’annonce de la composition par Pep [Guardiola], je me suis isolé, j’étais dévasté. Je voulais vraiment en être.
Cette saison, nous avons eu un déclic. Je savais que nous y arriverions. Je ne parle pas que de la Ligue des Champions : je parle de tout. Chaque semaine, je sentais que les planètes étaient alignées. Même quand nous avions 10 points de retard sur Arsenal, je savais que nous remporterions la Premier League. Nous avions déjà une base solide depuis plusieurs années avec Kevin [de Bruyne] , Kyle [Walker], John [Stones], Phil [Foden], Bernardo et Ederson, mais en ajoutant des Erling [Haaland] et Jack [Grealish], nous avons atteint un nouveau palier.
Je voulais juste dire que Jack Grealish est assez incompris par quelques médias. C’est l’un des footballeurs les plus gentils que j’ai rencontré. Il est très drôle, simple et humble. Je suis très heureux de ses succès cette saison, parce que je sais ce que cela fait d’arriver dans un grand club pour beaucoup d’argent, avec toute la pression qui va avec. Il a travaillé très dur pour progresser cette saison, il a été fantastique.
Il y a aussi Erling [Haaland]. Honnêtement, je ne savais pas à quoi m’attendre lors de son arrivée. On voit les buts et toute l’attention qu’il suscitait à Dortmund, on se demande s’il va s’intégrer. Mais quand je l’ai mieux connu, j’étais surpris de voir un joueur si talentueux avec la volonté de progresser chaque jour. Il n’est jamais satisfait. J’ai l’impression qu’il n’a pas de limite. Messi et Ronaldo sont les seuls comparables à son potentiel.
Stefan Ortega, notre second gardien, a aussi fait une grande différence dans ma vie personnelle. En tant qu’Allemands, nous avons beaucoup en commun, nous prenions notre espresso ensemble chaque jour et cela m’a permis de plus m’ouvrir. S’il n’était pas là, je ne pense pas que j’aurais fait la même saison. Dans le Football, il faut des points d’appui, et Stefan en était un pour moi. Je me suis aussi rapproché de Kevin de Bruyne cette saison. J’avais l’impression que nous pouvions parler de tout, et cela fait vraiment la différence quand on sens qu’on peut plus faire confiance à ses coéquipiers, qu’ils sont plus que des collègues.
Avec les personnalités du vestiaire, j’avais confiance en notre capacité à remporter chaque match. Quand on fait vraiment confiance à ses coéquipiers, on joue simple, sans peur, sans cogiter, et la magie opère. Peut-être est-ce pourquoi j’ai marqué tant de buts décisifs cette saison.
Pour ceux qui se le demande : Oui, je voulais faire ce geste contre Everton. J’ai un peu de technique, demandez à Ruben !
Toute cette saison était comme un film. Mais je ne crois pas pouvoir avoir rêvé d’une meilleure fin que la finale à Istanbul. C’était une sorte de retour aux sources pour ma famille et moi. Je me souviens de l’avion atterrissant au-dessus de la ville, regarder par la fenêtre et réaliser que j’allais être le capitaine de City en finale de Ligue des Champions dans le pays de mon grand-père.
Quand nous avons pris le bus pour l’hôtel, j’étais assis près de Scott Carson, et évidemment il faisait partie de l’équipe de Liverpool qui avait remonté un 3-0 à l’AC Milan en 2005.
Il disait : « Ne vous inquiétez pas les gars. A chaque fois que je viens à Istanbul, je repars avec une Ligue des Champions. »
(rires) Avec Scott dans l’équipe, je suppose que nous ne pouvions pas perdre.
Le seul problème était que la finale n’était que 22h heure locale, nous avions donc toute la journée à l’hôtel pour attendre et appréhender. Je me souviens avoir éteint mon téléphone parce que je ne voulais même pas lire les message. Je n’arrivais même pas à faire une sieste, ni à regarder la télévision, j’étais trop nerveux. J’ai joué le match 500 fois dans ma tête à l’hôtel. Je la voulais terriblement, peut-être trop honnêtement.
Je n’oublierai jamais Pep me mettant de côté au vestiaire après l’échauffement pour me dire de garder un peu de temps pour que Kyle Walker parle aux gars. Je pense que cela en dit beaucoup sur le groupe, notre relation spéciale, parce que Kyle n’était pas titulaire.
Je me souviens juste de Kyle disant à quel point il nous aime tous, et disant : « cela a toujours été mon rêve. Sortez et réalisez mon rêve. »
Je ne peux pas dire grand-chose sur le match, c’est toujours un peu flou. Nous n’avons pas été au mieux, je le reconnais, je pense que nous hésitions tous un peu. Mais nous avons réussi à gagner, comme les champions le font.
Ce dont je me souviens le mieux c’est le coup de sifflet final. Je me suis effondré près du but. C’était trop. J’ai mis ma tête sur la pelouse. J’essayais de réaliser. Quand je me suis relevé, j’ai vu tous les joueurs de l’Inter en larmes. Je connaissais parfaitement ce sentiment, je suis donc allé les réconforter et les féliciter pour leur saison, qu’ils devaient continuer de se battre. La marge d’erreur est fine en finale. Cela aurait facilement pu en être autrement.
La difficulté a toujours de la valeur.
Les années d’échecs rendent la victoire si précieuse et si agréable.
Je me souviens marcher vers les gars à l’autre bout du terrain, et Stefan a été le premier que j’ai vu. Nous nous sommes pris longtemps dans les bras, et j’ai réalisé véritablement à ce moment-là. J’ai pleuré, lui aussi. C’était une émotion intense, du bonheur et surtout du soulagement.
Tout ce que Pep pouvait dire était : « On l’a fait, on l’a fait, on l’a fait. »
Je suis allé voir ma femme et ma famille en tribunes, ils disaient tous : « tu l’as fait, tu l’as fait, tu l’a fait. »
Mais non. Comme Pep le disait : On l’a fait.
Il y a une famille derrière chaque rêve, et ils sont aussi importants que le joueur. Mes parents ont travaillé très dur pour nous donner une bonne vie. Mon père était camionneur pour une entreprise de bière. Ma mère était cuisinière pour le café d’une piscine. Mon grand-père est venu en Allemagne pour travailler à la mine. Me tenir ici devant le monde entier en tant que champion, en tant que Gündogan, était une grande émotion.
Je dois dire que rien n’aurait été possible sans Pep. Il y a des moments où il est très exigeant sur notre jeu, cela peut-être difficile mentalement. Mais une fois que tout le monde est sur la même longueur d’onde et en harmonie sur le terrain, son système est si efficace que cela devient presque naturel.
J’ai toujours senti un lien fort avec Pep.
Il m’a dit une fois : « je souhaiterais jouer avec 11 milieux. Vous avez 5 coups d’avance sur le jeu. »
Un des appels les plus durs que j’ai eu à passer était pour Pep, lui annonçant mon départ. Je ne pouvais que le remercier, pas seulement pour cette saison, ni pour tous les trophées, mais pour m’avoir amené ici. Je n’oublierai jamais quand je me suis blessé au genou à la fin de la saison avec Dortmund et que j’ai dû faire une opération, j’étais très inquiet que City casse le deal. Mais Pep m’a appelé pour me dire : « Ne t’inquiète pas, cela ne change rien, nous te voulons ici. Nous t’attendrons, peu importe le temps que cela prendra. »
J’imagine ce que les fans pensaient quand ce gars tranquille au nom drôle est arrivé à Manchester pour beaucoup d’argent, boîtant en béquilles lors de sa présentation.
Ce que je peux dire, c’est que je suis arrivé sur une jambe, mais je repars en volant.
Après le triplé et la parade spectaculaire sous la pluie mancunienne, je me suis dit : « Comment cela aurait-il pu être mieux ? Qu’aurais-je pu faire de plus ? Comment écrire une histoire plus parfaite ? »
La réponse est qu’on ne pouvait pas.
Je pense que peut-être Pep espérait que nous arrivions et repartions ensemble de City, mais je sais qu’il comprend mon choix. Je suis sûr que cela aide que j’aille dans son club d’enfance. J’espère que nous nous retrouverons bientôt en finale de Ligue des Champions.
Si je devais partir, il n’y a qu’un club qui faisait sens. C’était Barcelone ou rien. Depuis toujours, j’ai rêvé de porter ce maillot un jour. Je crois qu’il me reste quelques années au plus haut niveau, je veux aider Barcelone à retrouver sa place. Ce seront des retrouvailles avec mon vieil ami Lewa (Robert Lewandowski), j’ai hâte de jouer pour un manager que j’admire depuis longtemps. Quand Xavi m’a parlé du projet, cela m’a paru naturel. Je vois beaucoup de similitudes entre nous.
Je sais qu’il y aura beaucoup de pression à Barcelone, mais j’aime ça. J’aime sortir de ma zone de confort. Je ne cherchais pas la facilité, je cherchais un nouveau défi. C’est le prochain chapitre de ma carrière.
J’ai hâte de jouer avec le maillot de Barcelone. Mais d’abord un dernier mot pour Manchester City. Je veux m’adresser directement à mes coéquipiers, au staff et particulièrement aux fans :
Je veux juste vous dire que j’aurais toujours City dans mon cœur, rien ne brisera ce lien. C’est de l’amour à l’état pur.
Tout ce que je peux dire c’est merci.
J’ai vécu ces rêves grâce aux entraîneurs m’ayant poussé (parfois fort !) vers de nouveaux paliers, les coéquipiers ayant sacrifié tous ce qu’ils ont pour jouer un beau football, les fans ayant fait des milliers de kilomètres pour nous soutenir, le Club qui m’a donné la chance de faire partir de ce projet ambitieux et tous les docteurs et physios qui ont fait un travail incroyable pour nous garder en forme.
Je suis sûr que la plupart des gens se souviendra des buts, des passes décisives et des finales de cette période incroyable. Mais je retiendrai autre chose :
Oui, le football était sensationnel.
Mais les gens étaient meilleurs.
Je me souviendrai de vous tous pour le reste de ma vie.
Merci pour tout.
Sincèrement,
Ilkay »
—
Nos réseaux : Facebook – Twitter – Instagram – Site Internet