Comment les échecs et les sacrifices ont propulsé notre jeune latéral gauche d’une petite ville ukrainienne vers le sommet de la Premier League :
L’aventure d’Oleksandr Zinchenko est loin d’avoir été régulière, de ses modestes débuts dans l’académie de son club local au sommet du football anglais.
Dès le premier jour, les choses ne sont pas déroulées tel que l’Ukrainien l’aurait espéré.
Pour commencer, les garçons de l’académie de son club local ne lui passaient pas la balle, et ses premiers pas dans le monde professionnel ont été retardé de 18 mois à cause d’une dispute entre 2 clubs liée à un contrat.
Il ne jouait pas autant qu’il aurait aimé durant son prêt au PSV Eindhoven, et on imagine aisément qu’il ne s’attendait pas à jouer latéral gauche dans l’équipe de Pep Guardiola.
Mais 3 ans après son arrivée à City et avoir égalé le record de victoires consécutives en Premier League, le joueur de 22 ans s’est bâti un palmarès particulièrement impressionnant pour son âge.
Ce qu’il a accompli, il le doit à sa détermination et sa dévotion tout au long de sa tumultueuse aventure, ponctuée d’impasses et de mauvaises tournures, jusqu’ici similaires aux difficultés rencontrées par la majorité des joueurs cherchant à atteindre le niveau professionnel.
C’est une aventure qui a commencé il y a 16 ans dans une petite ville du nord de l’Ukraine.
Oleksandr avait 6 ans quand sa mère, Irina, l’a emmené à un essai à l’académie du club de football local, à Radomyshl; mais cette première expérience du sport dans lequel il va finir par exceller lui a donné une dure leçon.
Plus jeune et plus petit que les autres, Zinchenko a eu du mal à se faire remarquer et n’a pas réussi, mais, toujours confiant, il y retourna l’année suivante, plus fort et déterminé à créer une meilleure impression.
Mais son retour ne s’est pas passé comme prévu.
Oleksandr a très peu vu la balle et s’est rendu chez lui pour se plaindre auprès de sa mère que les autres garçons ne lui faisaient pas la passe.
Sa frustration a fait face à la ferme réponse de sa mère : « s’ils ne te font pas la passe, va la chercher ! »
Après ce premier revers, cette expérience du football en club s’est avérée être un tournant riche en apprentissages et tout comme sa carrière à City, il a fait sa place avant de devenir titulaire puis capitaine de cette équipe.
Il est devenu évident que Zinchenko était destiné à de plus grands projets et dans les cinq années suivantes il a été courtisé par de plus grands clubs.
Monolith, équipe de la région d’Odessa, a été sa destination suivante après que le garçon de 11 ans ait attiré l’attention d’un recruteur. Ce transfert l’a fait rencontré quelqu’un qui aura un profond impact sur à la fois sa carrière et sa vie.
Victor, l’homme qu’Oleksandr considère comme son deuxième père, a été son premier coach à Monolith.
Il a des années d’expériences en développement de jeunes joueurs et savait reconnaître le talent, ce qui était exactement ce qu’il a décelé chez son futur poulain, malgré les piteuses installations dans lesquelles il pratiquait ce sport.
Il explique : « Je connaissais ses conditions d’entraînement à Radomyshl. Honnêtement, il n’y avait pas des conditions adéquates à des joueurs professionnels. C’est pourquoi je peux dire qu’il a développé ses talents dans la rue. Il a grandi en jouant au football de rue. Je l’ai amené à Monolith et ait accordé de l’attention à son toucher de balle. Il voulait apprendre rapidement. Il était un joueur créatif. »
Comme l’Oleksandr d’aujourd’hui, c’est son envie de s’améliorer et son utilisation de la balle qui l’ont fait se distinguer de ses pairs.
« Beaucoup disaient que cela serait difficile de travailler avec lui. Parfois il était tétu, mais je suis un coach strict ! »
« Depuis son enfance, son sang-froid lui a permis d’exceller. Il était dévoué à son travail. S’il perdait la balle, ce n’était pas à cause d’une erreur de sa part. »
Ce n’était pas sans embûches pour le jeune Zinchenko, qui a quitté son foyer pour jouer à Monolith.
Pour son talent, c’était un environnement hostile et qui exigeait d’être performant sur et en dehors du terrain.
« Il a joué à Monolith un an et demi. Rien n’était simple. Les entraîneurs étaient stricts et exigeant sur la discipline. En même temps Oleksandr devait apprendre à l’école. A 8h il y allait, et avant il faisait de la gymnastique; puis allait à l’entraînement et faisait ses devoirs. C’était très dur. »
Cependant, Zinchenko n’a jamais été avare en efforts.
« 1% de talent, 99% de travail », c’est ce qu’il a déclaré au Telegraph sur comment devenir un footballeur professionnel.
C’est quelque chose qui était évident lors des deux dernières saisons et réuni avec son talent, c’était une combinaison parfaite.
C’est pourquoi son séjour à Monolith n’a duré que 18 mois. Son talent est devenu de plus en plus visible et les plus grands clubs d’Ukraine s’y intéressaient.
Le Dynamo Kiev est arrivé en premier puis le Shakhtar Donetsk a suivi.
Suite aux conseils de ses coachs et amis, Zinchenko s’est installé chez le second, et a rejoint leur académie, ce qui l’éloignait de plus de 800km de chez lui.
Cela comptait peu, et l’adolescent a continué à briller dans des environnements plus compétitifs et réputés.
Il est devenu capitaine des U19 du Shakhtar, jouant en 10 ou sur l’aile gauche en s’établissant comme un élément offensif indispensable.
« C’était une bonne équipe » rappelait-il en amont de la confrontation entre City et le Shakhtar en Octobre 2018.
« J’avais un super coach. La période que j’ai passé au Shakhtar a été l’une des meilleures de ma vie. »
C’était durant cette période que le dévouement qui caractérisait la carrière de Zinchenko s’est distinguée.
Il était si déterminé à réussir sa carrière de footballeur qu’il s’est mis a s’entraîner même lors des rares retour chez lui.
Certes, avec les encouragements de sa mère.
« Quand il venait à la maison en vacances et comme tout enfant, Oleksandr voulait dormir et sortir avec ses amis. Mais je savais que s’il voulait réussir, il fallait travailler dur. Donc chaque jour il se levait à 7h et faisait des exercices, le soir aussi. Il n’avait pas de jour de repos. Il s’entraînait tous les jours. Il était très responsable. Je pense que si une personne veut accomplir quelque chose, il doit en sacrifier une autre. Je lui ai dit : « tu auras ce que les autres n’auront pas ». »
La prophétie de sa mère s’est rapidement avérée juste, mais pas de la manière qu’elle aurait espéré, parce qu’Oleksandr a fini par ne plus avoir de club.
En Avril 2014, 2 mois après que le Shakhtar ait perdu face à Arsenal en Youth League, la guerre a éclaté et à la fin de la saison, toute la famille a dû quitter le pays.
Une période difficile pas que dans le domaine professionnel, mais aussi personnel, qui a conduit à une longue période de doutes.
Ayant fuit vers la Russie, il s’est entraîné seul dans des conditions qui prouvent encore une fois son engagement et sa volonté de relever tous les défis qui lui faisaient face.
Finalement son agent l’a mis en contact avec le Rubin Kazan, mais avec le Shakhtar qui refusait de libérer le joueur de son contrat, il ne put jouer avec les russes.
Ce fut une querelle qui l’a empêché de jouer pendant 18 mois avant que le milieu polyvalent ne rejoigne un autre club russe, le FC Ufa, et que sa carrière professionnelle commence enfin.
Il est apparu 33 fois en 2 saisons, montrant son talent au milieu, mais aussi en tant que défenseur gauche à plusieurs reprises, ce qui est pour lui la raison de la décision de Pep [Guardiola] de le placer dans ce rôle.
C’était à Ufa que sa carrière internationale a débuté également. Ayant représenté l’Ukraine en 2013 à l’Euro U17 et en 2015 dans les compétitions U19, il a rejoint l’équipe A contre l’Espagne en Octobre 2015.
6 mois plus tard il marque son premier but lors d’une victoire 4-3 face à la Roumanie, devenant ainsi le plus jeune buteur ukrainien à 19 ans et 165 jours, battant le record de son héros : Andriy Shevchenko.
En Juillet 2016, il rejoint City.
Il a été signé le lendemain de la présentation de Guardiola, mais a été envoyé en prêt au PSV Eindhoven un mois plus tard pour gagner en expérience.
C’était toujours une carrière naissante, et ça l’est encore, mais étant donné tout ce qu’il a enduré auparavant, Zinchenko aura pu plus profiter de son arrivée à Manchester.
Il a quitté 2 fois son foyer en tant qu’adolescent, a fui la guerre et n’a pu jouer pendant un an et demi, mais il était dans l’une des meilleures équipes anglaises, jouant pour un homme que beaucoup considèrent comme le meilleur entraîneur au monde.
Mais les défis étaient loin d’être derrière lui.
Zinchenko a toujours été forcé à faire ses preuves, ce qui s’est produit aux Pays-Bas. Il est apparu 17 fois pour le PSV, mais n’a débuté que 6 fois et a dû jouer 7 fois avec les U21 où il a fourni 9 passes décisives.
Cela ne faisait pas parti du plan.
« Je ne suis pas heureux ici » avait-il déclaré à l’époque.
« Cela fait sens quand on ne joue pas 7 matchs à la suite. Je ne comprends pas pour je suis celui qui n’est jamais utilisé. Ce sont les choix du coach et je ne les discute pas. Je ne serai pas triste [de partir]. C’est une expérience étrange, mais je suis sûr qu’elle sera bonne pour moi. »
Ce que Zinchenko décrivait comme « l’un des moments les plus importants de sa vie » s’est conclu par son retour à la CFA (City Football Academy) en pré-saison en Juillet 2017.
En fait, si le passé semblait semé de difficultés, l’avenir s’annonçait optimiste.
Cependant, ce fut long pour l’Ukrainien.
Il est entré en jeu lors de 3 des 5 matchs de préparation cet été-là, mais il dû attendre Octobre pour effectuer ses vrais débuts.
Ce fut une période suffisamment longue pour créer le doute chez un joueur, mais il resta de marbre, convaicu que l’Etihad Stadium était le meilleur endroit pour lui.
« Mon premier objectif est de rester, c’est mon foyer et je veux jouer pour City. Cela ne sera pas facile de percer dans cette équipe, mais je travaille dur dans ce but et je veux être une influence positive pour le Club, à l’entraînement et dans le vestiaire; et contribuer comme je le peux. »
Ce fut contre Wolverhampton lors du 4ème tour de Carabao Cup qu’il fit sa première réelle contribution sur le terrain. Son placement en tant que latéral gauche en étonna beaucoup parmi les médias et les fans, et de plus l’attention fut plus porté au héros des tirs au but : Claudio Bravo.
Toutefois, c’était une étape significative pour un joueur qui allait devenir de plus en plus populaire.
Son Instagram était souvent une source d’amusement, et il est devenu évident qu’il était un team-player contribuant à la dynamique du groupe.
Au delà de ça, il était irréprochable et très professionnel; et son exemplarité n’est pas passée inaperçue.
« Nous sommes revenus d’Huddersfield le Dimanche soir après le match et il est resté s’entraîner seul » avait raconté Guardiola en Novembre 2017.
« Cela signifie beaucoup pour moi, parce que tôt ou tard il sait que nous aurons besoin de lui. c’est un joueur talentueux, très propre et très simple. Sa manière de jouer et ses décisions sont parfaites. En tant que jeune joueur j’espère qu’il nous aidera à l’avenir. Il va rester pour la saison entière avec nous parce que je sens que je vais avoir besoin de lui. »
Le travail invisible de Zinchenko a fait les gros titres, avec beaucoup de personnes impressionnées par son parcours.
Mais cela ne surprit pas sa mère, qui connaissait son éthique et son désir de réussir.
« J’ai remarqué son fort caractère quand il était enfant. Je me souviens que quand il avait 8 ans je voulais le punir pour quelque chose. Je lui ai dit qu’il n’irait pas s’entraîner. Il s’est levé et m’a dit : « Tu peux m’empêcher de sortir, de regarder la télévision ou de jouer aux jeux vidéos, mais ne me prive pas d’entraînements. » Depuis, j’étais sûre qu’il deviendrai un joueur professionnel. Il le mérite. C’est ce pourquoi il a toujours travaillé. »
Guardiola a récompensé ses efforts avec une titularisation contre Newcastle en Janvier 2018.
City avait gagné 3-1, et le manager était particulièrement satisfait de la prestation de l’Ukrainien, dont l’attitude a une nouvelle fois été louée.
« En première mi-temps il était exceptionnel. C’est un joueur talentueux, il était agressif dans les duels. Regardez sa défense. Il a eu sa chance parce que [Benjamin] Mendy et [Fabian] Delph étaient indisponibles. Il est adoré parce qu’il est très gentil, il sourit toujours dans les mauvais moments et surtout il travaille. »
Il a achevé 2017-18 avec 14 apparitions et avec la Premier League ainsi que la Carabao Cup ajoutés à son palmarès, remportés avec une équipe considérée comme l’une des meilleures que l’Angleterre n’ait jamais vu.
Le jeune joueur rejeté de l’académie de son club local a fait du chemin.
Et cela n’allait que s’améliorer.
En 2018-19 est l’année de l’explosion de Zinchenko, mais cela a failli ne pas se produire.
Avec le retour en forme de Mendy, la situation de l’Ukrainien se troublait, et plusieurs clubs se sont intéressés à lui. C’est Wolverhampton qui s’est le plus rapproché, après avoir atteint un accord avec City, mais Zinchenko préféra rester à Manchester et se battre pour sa place.
C’était une décision courageuse.
Encore une fois, il dû attendre fin Septembre pour rejouer, mais il prit son mal en patience et resta concentré; il su saisir l’opportunité quand elle s’est présentée.
Elle vint au sein de la course au titre la plus haletante de Premier League.
Non séléctionné pour les matchs 5 matchs consécutifs, Zinchenko a toutefois livré une belle prestation pour son retour en Février, fournissant 2 passes décisives lors de la victoire 6-0 contre Chelsea.
Ce fut le début de sa meilleure série en date, ne manquant qu’un seul match pour blessure et jouant l’intégralité des finales de Carabao Cup et FA Cup.
Lors de la première, Zinchenko fut magnifique et Guardiola ne tarit pas d’éloges pour le joueur, sachant qu’il n’avait pas joué autant qu’il aurait aimé.
« Incroyable est la seule chose que je puisse dire. Oleksandr m’a montré encore une fois ce que je pensais déjà : l’importance et la valeur d’être un gars bien. Et le fait est qu’il a failli partir en début de saison… il y a eu 6-7-8 matchs où il n’a pas joué. Mais je ne l’ai jamais vu de mauvaise humeur durant cette période, ni un mauvais entraînement. Je ne peux que le remercier. Au delà de sa manière de jouer, c’est son approche. Tout le monde peut apprendre de lui, tout le monde. »
Pour citer un vieux cliché, les meilleurs partent les premiers.
Il vit son rêve et malgré des frustrations, il a montré son positivisme en amont de la finale de FA Cup, où il a témoigné son appréciation de son poste.
Il explique au Guardian : « Je ne sais pas ce que les autres joueurs pensent de moi mais c’est ainsi… Je rêvais de jouer au haut niveau, je n’ai pas réaliser que cela serait ici et aujourd’hui je me prépare pour une finale de FA Cup. C’est un rêve. »
City gagna ce jour-là 6-0 dans une victoire record à Wembley et écrivant une page d’histoire avec le premier quadruplé national d’Angleterre.
Mais c’est son passé qui est toujours important. Le sacrifice, la frustration et les efforts, tout ce qui a mené à son succès.
Quelle aventure ce fut.